Balade nocturne

Une envie de revenir à cette photo prise en mars. Je suivais cet homme. Bien involontairement je précise. Il me fallait traverser le canal pour me rendre à la soirée d’inauguration de la Foire du Livre. Il était environ 19h et au lieu de tourner à droite, vers le site de Tours et Taxis, je l’ai suivi. L’ombre portée de la rambarde du pont magnifiée par l’éclairage du chantier adjacent m’a rivée à son sillage et aujourd’hui je me demande encore comment cela a pu se produire. J’avais rendez-vous avec une amie à 19h30 et elle allait s’inquiéter si elle ne me voyait pas arriver. J’ai pourtant continué de suivre l’homme dans le dédale sinueux du chantier. Il marchait lentement donc j’ai dû adapter mon rythme pour qu’il ne soupçonne pas que quelqu’un marchait à sa suite. Le quadrillage de l’ombre avait quelque chose d’hypnotisant comme une toile dans laquelle je me suis laissé happer, comme un labyrinthe, ou les deux à la fois. Parvenu à l’autre bout du pont, et au sortir du chantier, l’homme a continué tout droit et s’est dirigé vers une rue plongée dans l’obscurité. Nous nous sommes donc enfoncés dans cette rue légèrement en pente. Tout au bout de la rue se profilait le haut clocher d’une église. Nous pressions le pas comme en direction de l’église. Il n’y avait aucun bruit dans la rue, aucune voiture ne circulait, il n’y avait pas un souffle de vent. J’avais peine à respirer et je me suis demandé s’il en allait de même pour l’homme. J’avais la certitude que le but ultime de ce périple nocturne était l’église et pourtant je n’avais pas l’impression que nous progressions. Nous marchions comme un seul homme. Plus nous avancions, plus l’église semblait s’éloigner. En réalité, l’église semblait avancer au même rythme que nous. Mais était-ce bien la réalité ? Je commençais à avoir quelques doutes. J’ai regardé l’heure sur mon téléphone et il était encore 19h. Je regardais les maisons et immeubles que nous longions et les numéros progressaient dans un ordre croissant. Nous marchions de plus en plus rapidement et il me semblait que plus je m’essoufflais plus l’homme devant moi accélérait. Je ne parvenais plus à le suivre, sa silhouette devenait de plus en plus petite jusqu’à devenir un point presque invisible. J’ai pu le suivre encore quelques secondes, du moins ce qui m’a paru comme étant des secondes, puis il a disparu et l’église aussi. Je me suis arrêtée, légèrement étourdie. Devant moi s’ouvrait l’entrée du site de Tours et Taxi. Il était 19h30.

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Catherine Koeckx

Citadine depuis toujours, avec Itinéraires pluriels, je partage mon exploration photographique et littéraire de la ville (voir aussi Instagram: @itineraires_pluriels). Il y a la nature aussi, l’aquarelle, les médias mixtes (@catherine_koeckx_art). En 2021, j'ai publié Le Guide lovecraftien de Providence (disponible sur Amazon ou commande privée à catherine.koeckx@gmail.com). En 2023, j'ai publié Dedans la Ville aux Editions Novelas.

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