Jour 3 – Dans le métro, plongée dans ma lecture, je lève la tête, je vois le béret fuchsia et je ne vois que lui, tout le reste n’est que brouillard autour, les gens, les stations où le métro s’arrête, tout. La femme au béret fuchsia est assise en face de moi. Une femme d’un certain âge, les yeux rivés à son téléphone, le doigt animé de ce mouvement caractéristique du bas vers le haut qui fait défiler les posts très probablement sur Instagram. Elle, toute vêtue de bleu foncé, de noir, foulard à motifs gris clair et blancs, un sac bleu nuit avec sur le devant un grand papillon bleu et blanc aux ailes ornées de brillants et sur le dessous des motifs têtes de mort imprimés en creux. Même les montures de ses lunettes sont bleu foncé. J’ai tenté de la photographier discrètement quand à ce moment précis mon téléphone s’est éteint, pour me rappeler sans doute que photographier les gens d’aussi près, à leur insu, est inapproprié. Elle a rangé son téléphone, a fermé les yeux un bref instant, pour s’en ressaisir aussi vite et se remettre à faire défiler les posts, imperturbablement, sans imaginer que le souvenir de son béret fuchsia serait emporté dans les méandres du web.
