Sortir

Jour 4 – Un défi dans le défi : sortir, sortir pour repérer la couleur qui fera trace aujourd’hui. Sortir de chez toi quand tu fais du télétravail est un défi en soi. Le matin, avant de te connecter ? C’est très peu probable. Pendant ? C’est rarement possible. Mais plausible. Après ? Tu n’en as plus envie.  Tu as pris prétexte de courses pour partir à sa recherche. Il y a des couleurs fixes, celles de bâtiments, des enseignes, des panneaux publicitaires, des tags, tu les vois à peine, elles se fondent et se mélangent, s’échappent de part et d’autre de ton regard. L’une ou l’autre l’accrochent, tu te dis que tu la gardes en réserve pour un autre jour. Il y a des couleurs mouvantes. Au coin de la rue, tu ne t’y attends pas, le tram surgit bardé de rouge, publicité et slogans, tu as à peine le temps de le saisir dans ton téléphone. Le rouge a disparu.

Revenir en ville

Revenir en ville. Toujours comme ressortir d’une réclusion. Prendre le tram en sens inverse de ce que tu fais d’habitude. Ce que tu faisais. Avant. Quand tu allais toujours sur place pour bosser. Bien avant ta pause sabbatique. Le trajet périphérie – centre-ville, c’était le matin que tu le faisais. Le soir tu repartais vers ta périphérie. C’est ce que tu faisais à cette heure-ci. Aujourd’hui tu fais le contraire. Avant tu allais en ville tous les jours, maintenant tu ne fais plus que des sorties en ville. Le tram descend sous terre, on l’avait appelé le pré-métro et il est resté tel. A cette heure-là, périphérie – centre-ville, le tram n’est pas bondé. Tant mieux. Après de si longs mois, tu n’es pas prête pour cette promiscuité. Un couple, enfin tu penses que c’est un couple, ils s’apprêtent à descendre et se dirigent vers les portes. L’homme porte le sac à main de sa copine au bras. Tu te dis qu’aujourd’hui les mecs s’en foutent de ça, de porter le sac de leur copine ou de leur femme, ils ne croient plus que leur virilité passe par les objets ou accessoires qu’ils arborent. Tu les regardes marcher sur le quai côte à côte, l’homme porte toujours le sac. Cette réflexion te vient car tu en as connu, d’une génération passée, qui jamais n’auraient marché en rue un sac à main au bras ou à l’épaule.