Tandis que New York décante

Tandis que New York décante, infuse,  reprendre contact peu à peu, retrouver ses marques dans le quartier de travail, s’assurer que tout est là, que le ciel n’a pas changé que les reflets t’interpellent toujours autant. Reprendre contact pas à pas, la nature s’invite pour une douce transition, la trouver partout, au pied d’un immeuble, au détour d’une rue, longeant un piétonnier. Sensations haussmanniennes, envies de Paris, si longtemps, près de dix ans, mais en attendant Bruxelles,  rencontre avec Caroline Diaz et Pierre Ménard, échange de nos livres, enfin Comanche entre les mains, je ne peux que chaudement recommander cette « en-quête » du père trop tôt disparu, tout en poésie et sensibilité, un amour qui se découvre (pour vous le procurer, c’est ici :

https://www.bookelis.com/romans/55471-COMANCHE.html )

Billet new-yorkais #07

Quartier de Dumbo entre Brooklyn Bridge et Manhattan Bridge, trafic ininterrompu, rames de métro qui se succèdent dans un bruit de métal infernal, mais cette vue iconique sur Manhattan, tu ne t’en lasses pas, tu l’as photographiée sous toutes ses coutures, tu croises un artiste qui la peint magnifiquement, il accepte que tu le prennes en photo, il se met à pleuvoir dans le Brooklyn Park, l’automne est bien installé même si les arbres sont encore verts.

New York est une expérience, la démesure qui te saute à la tête (pour ne pas dire à la gorge…). Même si tu y es déjà allée, ça reste ébouriffant, voire sauvage. L’expérience de la ville avec un grand V. Tout à ta découverte lors du premier séjour, tu as pu cette fois être plus attentive à certains détails, mais New York se redécouvre à chaque fois, par la terre ou par la mer. Comme dit Fitzgerald dans Gatsby, « c’est toujours comme si on la voyait pour la première fois, prête à vous révéler, dans son extravagance, tous les mystères, toute la beauté du monde. » Combien de séjours ne faudrait-il pas pour prétendre la connaître un tant soit peu… ?

Billet new-yorkais #06

Red Hook, « mélange détonnant de déglingue industrielle et de bohème », nous dit le guide New York out of the box, manger au Hometown Bar-B-Que sur des tables en bois, observer trois soldats américains venus acheter leurs burgers pour le déjeuner, lieu qui fait plus penser à un saloon moderne de l’Ouest américain – du moins dans ton imaginaire – qu’à Brooklyn.

Red Hook sur les traces de Lovecraft, tenter de s’imprégner de ces lieux qu’il a arpentés, qu’il a détestés ; le waterfront, les anciens entrepôts réaffectés, un vieux bus déglingué, la statue de la liberté dans un halo de brume et de pluie incessante. En semaine, Red Hook est calme nous dit-on, et en effet, quasi personne le long des anciens docks, les water taxis sont à quai. La pluie est dissuasive, et pourtant tu ne te vois pas marcher dans les pas de Lovecraft sous un ciel d’azur et un soleil estival. S’abriter dans un salon de thé et goûter le délicieux cake au potiron et pépites de chocolat, Van Brunt, l’artère principale du quartier est tranquille et bon enfant.

Profiter de la seule journée ensoleillée du lendemain pour le suivre encore dans Prospect Park, pique-niquer devant un chêne centenaire, flâner sur les sentiers méandreux jusqu’au lac où Sonia et lui aimaient passer du temps à lire, à deux pas de leur appartement du 259 Parkside Avenue, photographier la façade sous toutes ses coutures au risque de se faire regarder bizarrement par les gens du coin. Heureusement, il y des affiches d’appartement à louer.

Billet new-yorkais #05

Grand amoureux et connaisseur de New York, Paolo Cognetti, dans ses Carnets de New York écrit : « Le surprise […] de trouver une ville vieille : pas comme de l’autre côté de l’océan, où les villes sont vieilles comme des monuments, mais vieille comme une usine abandonnée, […]. Vieille comme le vingtième siècle. ». C’est tellement vrai ! Le vingtième siècle est encore très présent à New York, dans l’architecture, à l’évidence ; il transpire des murs, il est gris et sale dans certains quartiers, dans d’autres, il est de pierre de taille et de dorures, dans d’autres encore c’est le XIXe et ses brownstones, à Manhattan il s’écoule des réservoirs juchés sur les toits, tu le sens partout avec le XXIe qui force le passage. New York est une vraie, avec ses contradictions, ses paradoxes. New York n’est pas une ville aseptisée. C’est sans doute ce qui fait son attrait.

Billet new-yorkais #04

Morningside Heights et le campus de la Columbia University. Une des prestigieuses universités faisant partie de la Ivy League, enclave paisible et arborée au cœur d’un quartier authentique, dont tu te dis, ici vivent les New-Yorkais, ici on n’est pas (trop) aux prises avec la finance ou le commerce, on est dans la vraie vie. La cathédrale de Saint-John-the-Divine, répertoriée dans le Guinness des Records comme la plus grande cathédrale du monde, siège du diocèse de l’Église épiscopalienne des États-Unis (les anglicans américains) et rencontre tout à fait improbable et charmante discussion avec une évêque à la retraite qui apprend le français par un cours via Zoom. Flâner dans le Riverside Park, regarder des enfants jouer au mini-foot le long de l’Hudson et se dire qu’ils ne se rendent pas compte du privilège qu’ils ont, dans le contexte de la ville, de pratiquer leur sport dans un tel lieu.

La High Line noire de monde, mais qu’est-ce qui ne l’est pas à New York ? Tout comme Times Square, Broadway, la 5e Avenue, etc. certainement pas Midtown à l’heure de pointe, où se situe notre hôtel. À part l’un ou l’autre banc situé en retrait, impossible de lire un livre sur la High Line. Toujours la magie de l’ancien et du neuf qui dans la ville te fascine, le jeu des reflets dans la vertigineuse envolée de verre des tours cyclopéennes qui la bordent. Et puis la High Line bucolique aux bordures plantées d’arbres, d’arbustes, de rudbeckia, d’échinacées et nombreuses autres plantations. Un joyau.

New-York, la ville de l’échafaudage. Il y a ceux qui flanquent des immeubles sur toute leur hauteur, réfection de façades, etc. Mais, surtout, il y a ceux qui longent les rez-de-chaussée et dont on se demande à quoi ils servent, ils semblent parfois à ce point faire partie de l’immeuble que la nature y a même repris ses droits.

Billet new-yorkais #03

New York est le monde entier. Immergée au profond des rues, des gens de tous les côtés comme un tourbillon, tu entends toutes les langues qui se pressent et se confondent, se dire qu’il en va de même des gens, à New York tu côtoies les nationalités les plus diverses qui résident dans la ville, viennent de l’extérieur pour y étudier, y travailler ou simplement la visitent. Ahurissant, éblouissant cette immersion totale dans la multiplicité du monde.

Dans Upper West Side, des demeures d’un New York qui fait rêver, rues calmes et arborées, loin des foules et de l’agitation, des maisons qui nous plongent droit dans les romans du XIXe siècle, puis Central Park, la plus grande oasis qui soit, mais légions de promeneurs et touristes, où circulent, pleins d’énergie et indifférents aux humains qui les entourent, les écureuils tout à leur recherche de nourriture.

Billet new-yorkais #01

Y revenir cinq plus tard. Se revoir à quinze ans rêvant d’aller aux États-Unis et se promettre d’y aller un jour, promesse réalisée en 2018. Y revenir en 2023. N’avoir jamais pensé déambuler un jour seule à New-York comme aujourd’hui, qui plus est à la rencontre de spécialistes de Lovecraft, Derrick Hussey et Peter Cannon. Mémorable. Mais d’abord descendre la 6e Avenue, Avenue of the Americas, capter comme à Bruxelles l’alliance du moderne et de l’ancien, les façades en briques ou en pierre de taille, les pilastres et chapiteaux sculptés, les gargouilles ésotériques et mystérieuses, les rambardes en fer forgé côtoient ce reflet du ciel bleu et des nuages dans les immeubles de verre qui partout te fascine, l’infini éclectisme de la ville. La ville qui t’absorbe et tu as l’impression d’en faire partie, tant New York est la ville qui appartient à tous. Plonger dans East Village, passer de la verticalité de la ville, vertigineuse et grisante, qu’on dirait inhumaine à quelques maisons de modeste dimension, surgies d’on ne sait où, tourner à gauche au niveau de la 13 rue Est et remonter d’une rue, l’immense librairie The Strand, 18 miles de livres. C’est le lieu du rendez-vous avec les lovecraftiens, le New Kalem Club comme ils se nomment informellement avant ça parcourir les rayons de la plus grande librairie indépendante de New York fondée en 1927. Trop touchant d’avoir ainsi été invitée à me joindre à eux lors de leur réunion mensuelle où ils fêtaient l’anniversaire de leur ami le poète Fred Phillips. Plaisir immense d’échanger avec Derrick Hussey, directeur d’Hippocampus Press et avec Peter Cannon, auteur de nombreux essais, romans et nouvelles consacrés et inspirés de Lovecraft et lui offrir Le Guide lovecraftien de Providence.

La vie à l’extérieur

Regarder la vie à l’extérieur, c’est dehors que ça se passe, il paraît, la ville c’est dehors, dans le sens « hors de chez soi », l’imaginer bruyante, toujours en mouvement, se tapir dans l’ombre et l’observer, fascination de ces lamelles de jalousies qu’on peut orienter comme on veut, repenser à cette affiche de film avec Richard Gere, ombre mystérieuse sur les murs éclairés par le clair de lune, souvent préférer rester à l’intérieur, ne pas avoir envie des injonctions estivales du tout à l’extérieur, les pelouses des parcs couvertes de monde, les terrasses des cafés prises d’assaut, les humains lâchés pires que des fauves.

Ce bleu de la nuit qui s’approche, sa profondeur douce qui annonce le repos, cette danse de couleurs qui nous est offerte, du gris pour le sommeil, du rose pour le rêve, la lumière s’efface peu à peu, se dilue dans le lointain, attraper le téléphone pour saisir l’instant fugace.

Des perles vert tendre s’accrochent aux branches de l’arbre qui n’en peuvent plus de rester dénudées, elles parsèment le feuillage naissant telles des guirlandes de lumière sous la caresse du soleil encore timide, elles le captent dans toute sa brillance et c’est l’éclat subtil de sa luminosité qui nous dit que le printemps est là.

Y revenir

Capter des instants, des éblouissements, les reflets dans les vitres, le ciel, les nuages, même par temps maussade ce bleu intense qui s’invite et m’appelle. C’est aussi ça Dedans la ville, cette intériorité, cette intimité avec ce qui la constitue et en même temps nous contient, capter son essence dans ce bleu, dans ses diffractions, dans cette verticalité et y revenir encore.

Cette photo s’est imposée d’elle-même pour la couverture, comme l’intersection entre la ville et le livre. Aujourd’hui j’y suis revenue, j’avais oublié de quel bâtiment il s’agissait et c’est le reflet que l’on y voit qui m’a guidée. Mue par je ne sais quel désir, j’ai vainement tenté de retrouver le même cadrage. Il s’est dérobé et c’est tant mieux faisant place à de nouvelles images. C’est toute la magie de l’instant, unique et irremplaçable.

Bâtiment Lex (face arrière)

La ville en rose

Du rose dans cette grisaille qu’est parfois la ville. Isoler des îlots de rose. Cette femme qui porte des bottes roses dans un quartier de bureaux, peut-être voit-elle la ville en rose ? Cette femme qui prend le métro, qui part en voyage avec sa valise rose, voit-elle la ville en rose ? Et cette autre femme aux baskets rose fuschia ? Que nous dit le rose dans la grisaille de la ville ? L’idée de ne pas avoir envie de s’y fondre, de s’en démarquer, l’idée de la conjurer, cette grisaille poisseuse qui depuis quelque temps colle à la peau ?