Fenêtres inversées

Fenêtres décors, identités visuelles, visual merchandising, fenêtres mondes fenêtres univers. D’un seul coup d’œil capter ce que propose la marque, les marques, la boutique, l’enseigne, le bar, le restaurant. Donner au passant le goût de s’arrêter quelques secondes, lui donner envie de ne pas faire que passer, de pousser la porte, d’entrer, de s’attarder, voire même de s’installer si c’est un bar ou un restaurant.

Je me souviens de cette boutique à Paris il y a plus de dix ans, rue de la Vieuville une artiste y tenait sa boutique-atelier, le rêve de tout.e artiste, comme la librairie salon de thé pour l’amoureu.x.se des livres. Je me souviens de tringles de vêtements féminins légers et blancs, d’objets chinés parmi ses créations, subtile harmonie. Au fond donnant sur une cour, son atelier.

Vitrines univers, pages de catalogue 3D, offrir à la vue la quintessence du lieu, dire presque tout, juste trop peu, inviter. Reflets d’un monde, reflets du monde, Marilyn sur fond de ville palladienne en fuite vers l’horizon, ne portait-elle pas ce T-shirt à rayures rouges et blanches dans un de ses films ? Deux personnes avec un chien discutent en face de la librairie, reflet ou photo, au milieu du livre Forgotten Churches par Luke Sherlock, propriétaire des lieux, juste paru et décuplé à l’envi.

Fenêtres mises en scènes, écran ou reflet, film, statique, mouvement, quelqu’un entre ou sort, où va-t-il, lumière dans la lumière, fenêtres miroirs, dedans dehors on ne sait plus.

Le chat, lui, il sait, il regarde par la fenêtre, il regarde dehors.

Maison perdue

Un soleil qui se déverse généreusement dans cette journée lumineuse et chaude, de ces journées qui s’étirent à l’infini. Au plafond, très haut, un ciel peint, des nuages blancs stylisés, des fresques de ciels entourées de moulures, des angelots peut-être. Un ciel aussi bleu que celui du dehors, seul point de couleur dans cette pièce grise. Deux fenêtres donnent sur la rue, comme deux yeux diaphanes qui observent une très vieille dame grise au visage de pomme ratatinée assise dans un fauteuil. Nous venons de grimper la dizaine de marches en marbre blanc zébré de gris qui mène de la porte d’entrée à une porte vitrée donnant à gauche sur une cage d’escalier et à droite sur un long couloir menant à la cuisine. A droite de la porte vitrée, le salon où je regarde cette vieille dame à qui ma mère parle. Tout autour de moi des meubles qui s’évaporent dans la grisaille pareille à celle des vieilles photos noir et blanc un peu délavées. Sur ces meubles probablement des vases, des bonbonnières, de la vaisselle, des bibelots poussiéreux. Sur un guéridon pourquoi pas une bouteille d’Elixir d’Anvers, liqueur que cette vieille dame aimait tout particulièrement et qui est sans nul doute le secret de sa longévité. Soudain, une odeur de brûlé, ma mère se précipite dans le couloir, un couloir qui me paraît kilométrique. Elle disparaît dans une pièce dont s’échappe un peu de fumée, sans doute la cuisine. Elle fait couler de l’eau, des endives brûlent au fond d’une casserole. Ce couloir ne peut conduire qu’à une cuisine, d’autres pièces, plus loin encore, ouvrent sur des infinis. 

D’après une proposition de François Bon pour l’atelier « Pousser la langue »