Dedans la ville

La Foire du livre de Bruxelles, c’est la semaine prochaine, du 30 mars au 2 avril 2023 à Tours et Taxis ! Les Editions Novelas qui publient mon nouveau livre Dedans la ville seront présentes sur le stand 204 Côté Jardin, B2 et j’y serai moi-même le samedi 1er avril de 16h à 18h. N’hésitez pas à venir m’y faire un petit coucou si vous êtes de passage à la Foire du Livre !

Disponible au prix de 12€ (hors frais de port) en commande par email auprès des Editions Novelas: novelasasbl@hotmail.com ou auprès de moi-même: catherine.koeckx@gmail.com, ou sur place à la Foire du Livre

De quoi ça parle ? Voici un extrait de l’avant-propos :

Après un recueil de poèmes intitulé L’Impalpable sorti en 2006, j’ai réalisé et publié en 2021 Le Guide lovecraftien de Providence, un guide littéraire consacré à Providence, Rhode Island, la ville où est né et où a vécu Howard Phillips Lovecraft. Début 2022, j’ai lancé le blog que vous lisez en ce moment, où se mêlent la réflexion, l’expérimentation et l’image. La même année j’ai relevé le défi d’écriture lancé par François Bon avec l’atelier « 40 jours » sur le thème de la ville. 40 fois la ville. Comme les musiciens : faire des gammes au quotidien. Et voir ce que ça nous ouvre comme possibles, des déplis, des pistes qui peuvent nous emmener loin sur des chemins que nous n’aurions pas soupçonnés, des textes dont nous ne nous serions pas crus porteurs, voir comment le réel nous invite à l’imaginaire. On s’inspire de Balzac, Melville, Kafka ou Walter Benjamin mais aussi des écrivains du contemporain : Guy Debord, Christophe Tarkos, Georges Perec, Jacques Roubaud, Patrick Modiano, Jean Rolin, Fabienne 5 Swiatly, Emmanuelle Pireyre pour ne citer qu’eux. On élargit les horizons en allant toucher d’autres domaines artistiques comme la photo avec Taryn Simon ou Bruno Serralongue, le cinéma avec Chantal Ackerman ou Viktor Kossakowski. Explorer 40 aspects de la ville, d’une ville, sa ville, ou d’autres villes que la sienne, les villes des voyages ou des souvenirs. Evoquer la couleur, les matières, les sols, les rugosités, visiter des lieux cachés, déambuler, se perdre, vue panoptique, caméra tournante, zoom avant, zoom arrière, plan fixe, le mouvement, le discontinu, on joue avec la langue, on la malaxe, on la triture. On
travaille les projections mentales et le fantastique n’est pas loin. Ce livre rassemble mes 40 textes.

Quarto

Dimanche matin, 8h30, un dimanche matin d’automne tout à fait banal : froid, gris, brumeux, pluvieux, maussade, juste envie de rester sous le plaid toute la journée, il y a plein de livres partout dans plusieurs pièces de la maison et ici dans la chambre, sur l’étagère juste à côté de la fenêtre, prendre ce volume Quarto, feuilleter les pages de papier fin, une texture un rien plus épaisse que le papier Bible, la peau des doigts garde mémoire de ce qu’elle effleure, s’attarder, avancer, revenir en arrière, quand à cet instant, le bateau-mouche est apparu. Il glissait vers la pointe de l’île, sa guirlande de projecteurs braquée sur les maisons des quais. Les murs de la pièce étaient brusquement recouverts de taches, de points lumineux et de treillages qui tournaient et venaient se perdre au plafond. Dans cette même chambre, il y a vingt ans, c’étaient les mêmes ombres fugitives et familières qui nous captivaient mon frère Rudy et moi, quand nous éteignions la lumière au passage de ce même bateau-mouche*. Quand j’ai lu ce passage pour la première fois, immanquablement, c’est ce récit de ma mère, que j’avais mis par écrit, qui est remonté à la surface et il revient à nouveau ce dimanche matin d’automne banal quand mon geste à saisi ce livre et l’a ouvert aléatoirement à la page 330 et que mes yeux se sont posés aléatoirement sur ce paragraphe. A la nuit tombée, elle retournait dans sa maison avec sa jeune sœur [ma mère] qui passait les nuits avec elle pour lui tenir compagnie. Elle n’aurait pu se coucher seule dans ce grand lit glacé, les ombres qui se dessinaient sur les murs l’effrayaient. Elle imaginait les loups des forêts de Bohême qui rôdaient autour de la ferme et le guettaient pour l’anéantir à jamais. A deux, elles jouaient à se faire peur. Au passage de la patrouille allemande qui dans sa ronde nocturne promenait le faisceau lumineux des torches électriques sur les fenêtres des maisons occultées par des stores de papier, les ombres se mettaient à virevolter autour de la pièce pour former un balai étrange et fascinant qu’elles attendaient chaque soir avec une impatience qu’elles n’osaient s’avouer. Respirant à peine, les deux sœurs se pelotonnaient sous les couvertures et demeuraient ainsi jusqu’à ce que le martèlement envoûtant des bottes sur l’asphalte fût devenu complètement inaudible.

* Livret de famille, Patrick Modiano, Gallimard, 1977